Noir corbeau
Laissez-moi vous raconter, en suivant les pas d’Ovide, grand poète latin, comment le corbeau devint noir... (librement inspiré des Métamorphoses).
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Nulle beauté, dans la Thessalie, n’effaça celle de Coronis. Apollon l’aima tant qu’elle fut fidèle, ou du moins tant qu'elle agit sans surveillants indiscrets... Mais le corbeau découvrit l’inconstance de la belle et voulut la révéler, en échange de quelque avantage que lui donnerait sûrement le dieu, une fois mis au courant.
Inexorable témoin d’une faute cachée, il se hâta de voler vers son maître. La corneille babillarde le suivit à tire d’aile ; elle voulait savoir l'objet de son voyage et, l’ayant appris, elle dit au corbeau : « Ton zèle est indiscret. Il te sera funeste ! Ecoute-moi ! Ne rejette pas mes présages. »
Le corbeau refusa les conseils de sa congénère et s’en alla raconter à Apollon qu’il avait surpris Coronis avec un jeune Thessalien. Alors le dieu entra dans une fureur incontrôlée et tua son amante. Ce qu’il regretta aussitôt et qu’il reprocha au corbeau, bien sûr. L’oiseau, qui attendait le prix de son zèle, fut puni.
Et c'est ainsi que, corbeau trop indiscret, tes plumes devinrent noires, de blanches qu'elles étaient auparavant. Ton plumage, brillant comme la neige, égalait la blancheur sans tache des colombes. Il ne cédait en rien à celle de l'oiseau vigilant dont les cris devaient un jour sauver le Capitole, à celle du cygne même qui se plaît dans les eaux. Mais ta langue te perdit; et, pour n'avoir pas su te taire, la couleur de l'ébène couvre maintenant ton plumage argenté.
Antoine Mack