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Airs de flûte
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11 août 2011

Bad trips ?

mignonne fourmi


Entre ces deux-là, depuis quelques dizaines de millions d’années, l’affaire suit son cours...

Avec des hauts et des bas. Inexorablement.

A priori, ils ne sont vraiment pas faits l’un pour l’autre. Ou alors, si?


Elle, camponotus leonardi, est une ravissante petite fourmi qui vit, se nourrit et se promène le plus souvent dans la canopée de la jungle thaïlandaise, tout près du soleil.


Lui, qui répond au nom charmant d’ophiocordyceps unilateralis, est un champignon tubulaire qui préfère (et de loin) l’ombrage des grosses feuilles qui se développent à vingt-cinq centimètres du sol, au pied des grands arbres.


- Rien n’aurait dû nous mettre l’un en face de l’autre. Et même nous rencontrant, nous aurions dû nous croiser sans nous voir, se dit toujours Campo. D’ailleurs, le jour de notre premier (et improbable) rendez-vous, il n’a pas du tout retenu mon attention... Ce jour-là, il était spore ultraléger et quasiment invisible, monté de son univers glauque sur l’aile d’un courant ascendant... qui l’a déposé sur ma tête! Sentant battre la vie en moi, il s’est convaincu qu’il pourrait y avoir entre nous des atomes crochus. Idée stupide!

zombie en devenir


Alors Ophio s’est accroché. Il a envoyé dans la tête de Campo des radicelles minuscules qui ont exploré le cerveau de la gracile fourmi. Il s’y est enrichi de quelques juteuses matières nutritives qui l’ont fait croître en taille et en force jusqu’au moment où il a senti qu’il serait bientôt temps, pour lui, de redescendre vivre dans l’ombre humide et propice de la forêt d’émeraude, le seul biotype qui lui convînt vraiment.


A son tour, au bout de quelques jours, il a gorgé généreusement le système nerveux central de sa jolie compagne de sucs si capiteux qu’elle est devenue totalement accro à lui, fourmi qui se marche sur les pattes en dansant, qui trébuche aux bords des feuilles, zombie au comportement erratique, livrée sans défense à son champignon dominant.


Dorénavant, il contrôle son cerveau, il la dirige vers le vide, l’y fait tomber. Dans le puits jaune et vert qui s’obscurcit cependant que leur vertigineuse descente les rapproche du fond, les voilà qui accomplissent en chute libre un psychédélique premier voyage de noces... Super trip!


Arrivé près des plantes qu’il reconnaît sans les avoir jamais vues, le champignon freine la chute du couple, dirige Campo vers  une veine épaisse sous une feuille. Affamée, elle mord cette veine, les muscles de ses mandibules s’atrophient soudain (encore une traîtrise d’Ophio!) et elle ne se libérera plus de ce piège dont elle-même a refermé les dents.

fin du trip


Elle va nourrir Ophio, elle va mourir. Un jour prochain, adulte, il produira des spores...

... qui, au gré d’un courant chaud, s’envoleront, légers, vers la canopée.


Antoine Mack


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Commentaires
O
Chère Claire, il faudrait connaître combien de spores Ophio renvoie dans la canopée, combien de ceux-là s'installent sur la tête accueillante d'une Campo, combien arrivent à en prendre le contrôle...<br /> <br /> Ni Dieu, ni Diable n'y retrouveraient leur compte. A partir d'une certaine complexité dans le problème, je crois qu'ils s'égarent tous les deux dans l'ordonnance de leurs petits jeux.<br /> <br /> A quoi nous devrons un chouïa de libre-arbitre... Non?
C
La Peau rit, la Peau rit, ben, 'faut l'dire vite oui !<br /> Les antennes à plume de Grive nous font tomber le c-- par terre pour une histoire (belle) de fourmi. Kilucrû ?<br /> J'en rajoute. Dieu a-t'il créé rien du tout ?<br /> Passque. <br /> Si c'est pas lui et que c'est pas le démon non plus, ce serait que consubstanciels à toute substance (oui, je sais, ça répète)se pavanent de concert dans la matière vivante diable et dieu bras dessus bras dessous inséparables pour fomenter leurs coups et faire tourner le mouvement de la vie, incessament, à nous de nous faire une tenue correcte et de choisir la route en dépit des cahots induits en nous par ces deux malfrats ?<br /> Bon, allez. <br /> La vie se crée elle-même, quel chabadabada !!<br /> Et quelle belle histoire à frémir d'horreur cet amour du champignon et de la fourmi.<br /> <br /> Moi, j'étais trop fourmi trop longtemps. <br /> "Cessons là cet incident", dit un beau jour Ophio à son éternel Campo, "ça suffat comme ci".<br /> <br /> Le champignon trouverait-il une nouvelle victime ??
M
Peu habitué à ce type d'échange, je me lance, parce que la question soulevée par Grive huppée, bien qu'en marge du billet de notre hôte, me semble digne d'intérêt. Elle me plaît bien, d'ailleurs, cette Grive qui ne se prend pas pour un aigle, surtout sur le plan de l'orthographe…<br /> Mais je reviens à la question.<br /> Dieu a-t-il créé le démon ?<br /> Si la réponse est négative, cela signifie que le Démon existait avant la création du monde, et donc qu'il serait consubstantiel à Dieu. On voit où cela peut mener…<br /> Si la réponse est positive, alors la deuxième question posée par Grive huppée est des plus pertinentes : Pourquoi ?
G
Permettez, M'sieurs-dame, qu'ça soye la question de Dieu qui m'fasse réagir avant tout. Faut pas l'rendre responsable du parasitisme, hein, c'est lui chercher des poux dans la tête. Des assos comme ça, y en a plein la nature, c'est juste l'œuvre du Démon, pendant qu'lui était trop occupé à peaufiner l'apparence de celle qu'il avait tiré d'la côte de l'aut'e. Faut dire qui y a mis l'paquet, hein, même qu'ce maudit Démon a pas pu ensuite s'empêcher d'aller s'occuper d'elle aussi…<br /> La seule question qui vaïe, théologiqu'ment parlant, c'est : “Dieu a-t-il oui ou non créé le Démon ? Et si oui, pourquoi ?" Bon, ça en fait deux pour le prix d'une, sauf si la réponse à la première est non, auquel cas on tombe dans la Peau rit, v'savez, le gouffre qu'Aristote il a été l'premier à nommer, p'têt pasqu'ça l'faisait rigoler d'voir les aut'es y tomber têt la première.<br /> Bon, j'attends vos réponses. <br /> Sinon, oiseleur, si c'que tu veux dire c'est qu'on naît parasite – faut-y pas l'être pour sucer le sein d'sa mère ! –, qu'c'est en parasite qu'on vit, qu'on aime, et qu'on meurt parasité – par les vers –, j'suis tout c'qu' y a d'accord avec toi. Sauf que c'est ben plus beau comme toi <br /> tu l'dis.
O
Devons-nous, cher Gérard, nous poser vraiment la question de savoir si, à l'origine du monde, se trouve un dieu bon ou un dieu terrifiant?<br /> <br /> Architecte d'un univers où "l'enfer est sur terre", ne serait-il pas plus simplement indifférent à tout ce qui perturberait le fonctionnement de sa machine, qu'il observerait sans cesse sans plus jamais intervenir sur les rouages dont il l'a munie?
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