Il s'appelait Urbanek. Ses parents et lui étaient arrivés juste après la guerre de 40. Ils avaient pu acheter une petite maison dans le village, mais il vivaient à l'écart.

Ils étaient Tchèques ou Slovaques. Enfin, Tchécoslovaques, à l'époque. Et comme il y avait déjà deux familles polonaises dans le patelin, ils furent immédiatement assimilés "Polaks".

A l'école, pour Urbanek, ce ne fut pas facile. Apprendre les bases avec les tout petits du cours préparatoire, s'intégrer à la récré au groupe du cours moyen, ceux qui avaient son âge... Ça n'allait pas de soi.

Il n'y avait pas de cour d'école. La récréation se passait dans la rue. Pour jouer au foot, les deux gardiens de but choisissaient, à tour de rôle, leurs coéquipiers, en commençant par les plus forts. Comme par hasard, il se trouvait toujours des candidats en nombre impair à vouloir jouer. Le dernier, régulièrement éliminé, était chaque fois Urbanek. Il allait s'asseoir alors sur la première marche de l'escalier du presbytère, jusqu'à la fin de la récré.

Jusqu'au moment où l'instituteur (le maître, comme on disait) est intervenu. Il a décidé que, ce jour-là, les "sélectionneurs" ne seraient pas les gardiens, mais Urbanek et l'un des Polonais. Urbanek put ainsi montrer qu'il touchait sa bille, au football. Quand on revint à la sélection par les gardiens, il fut systématiquement choisi le premier. Tous les gamins de l'école s'étaient mis à l'aimer, à aimer le footballeur...

Mais il restait Urbanek. Il n'avait toujours pas de prénom.

Et quand un chapardage était commis dans les champs (quelques épis coupés, au bord d'une parcelle...), les grands, les adultes continuaient à dire que c'étaient encore les Polaks... Ils n'avaient pourtant ni faux, ni faucille.

Antoine Mack

Il s'appelait Urbanek

Partager cet article