Les cadeaux

Même à vol d’oiseau, il aura fallu donner bien des coups d’ailes pour revenir jusqu’au pays. La jeune fauvette a tenu bon, en dépit du poids des cadeaux qu’elle transportait. L’un ou l’autre des rossignols-boys a bien voulu donner un coup de... patte, de temps en temps, mais que ce fut fatigant!

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A peine s’est-on posé sur les branches du chêne que les merles sont là, trolls bruyants, et moqueurs de plus en plus. Perturbé, le vieux hibou ouvre un œil, sourit en constatant le come-back de la grande chanteuse, se dit que rien ne presse puisqu’elle ne donne de la belle voix qu’à la brunante... et se rendort.

La jeune fauvette s’éloigne, elle aussi. Elle veut profiter des dernières heures de la journée pour visiter son ami, le garçon-futur-chevalier-au-grand-cœur, et lui donner ses cadeaux, rapportés de l’autre rivage de la mer. Pour se rendre chez lui, elle passe devant la chaumière où habite le second jeune homme, celui qui attrape les oiseaux avec de la glu. Devant sa fenêtre, une cage est suspendue. La fauvette s’en approche. Grande alors est la surprise qui manque lui faire lâcher les deux boules noires. Dans la cage, elle vient de reconnaître sa mère, sa maman fauvette!

Cette cage n’est fermée qu’à l’aide d’un petit loquet de bois. Très vite, la mère retrouvée se trouve libérée. Toutes deux s’éloignent de la maison pour se raconter leurs aventures...

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Heureuses, elles volettent bientôt vers la ferme où vit l’ami de la jeune fauvette. Celle-ci explique à sa mère son intention de donner à son bienfaiteur les deux bijoux qu’elle a ramassés sur la plage lointaine. L’ainée lui suggère alors de n’en donner qu’un et de réserver l’autre à celui dont elle-même fut prisonnière, celui qui l’avait attrapée et mise en cage certes, mais qui l’avait bien nourrie et qui avait eu pour elle bien des égards et bien des attentions. Sa fille donne son accord à cette proposition et lui confie l’une des deux boules.

Elle-même, arrivée devant la maisonnette où elle fut si bien abritée et trouvant la fenêtre de la chambre ouverte, pénètre dans ces lieux qu’elle connaît bien. Le garçon est assis à sa table, occupé à s’instruire. Il lève la tête, surpris, et reconnaît sa visiteuse. Un grand sourire apparaît sur son visage lorsqu’elle vient se percher à nouveau sur son épaule et laisse tomber sur sa table le brillant objet qu’elle lui destine.

En tombant sur le bois dur du meuble, la boule se fend comme une coquille d’œuf. Elle s’ouvre en deux et, sous le rayon de soleil qui pénètre par la fenêtre, l’énorme diamant qu’elle contient lance des éclairs! Sans attendre, la fauvette prend la fuite.

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A l’orée du grand bois, elle retrouve sa mère et toutes deux retournent à l’autre chaumière. Là aussi, une fenêtre est ouverte à l’air du printemps. La maman fauvette, un peu méfiante, n’ose pourtant pas entrer. Elle pose donc la boule noire et brillante sur le rebord de la fenêtre et s’en retourne auprès de sa fille qui l’attend sur une branche du verger. Elle lui dit qu’elle a eu le temps d’apercevoir la cage où le coucou est retenu prisonnier.

Bientôt le garçon arrive à son tour. Tout de suite son regard est attiré par l’objet étrange que l’on a déposé chez lui. Il le saisit, le fait tourner entre ses doigts, très intrigué. Puis les fauvettes le voient ouvrir la cage du coucou, soulever l’oiseau et poser sous lui la boule noire.

«Regarde bien, ma fille, dit la mère fauvette. C’est bien la première fois et peut-être l’unique que nous verrons un coucou couver!»

Elles observent un moment le gros patapouf sur son œuf, se gaussent de lui, iraient presque jusqu’à le gouailler. Puis elles s’envolent au cœur de la forêt pour remercier la Reine des rossignols et assister, le soir, à son tour de chant.

Le lendemain, curieuses, elles repartent voir le coucou couver. Et le surlendemain, et d’autres jours encore. Vient enfin le moment où se termine l’aventure. C’est bel et bien un œuf que le coucou couvait. Mais c’est un œuf de serpent et celui qui en sort est vivace déjà. Assez en tout cas pour grimper le long de l’aile du coucou, atteindre son cou, y enrouler ses anneaux et serrer... serrer... serrer...

L’oiseau se débat de toutes ses forces ; il s’agite tant et tant qu’il finit par briser deux barreaux et tomber de la cage. Le serpent s’y love, s’enroule autour des barreaux restants et... s’endort, satisfait.

Gorge endolorie, patte foulée dans sa chute, le coucou rampe par terre, une fois encore. Comme la porte aussi est ouverte, il sort sur le chemin, libéré dirait-on...

Un troubadour qui passe, lunettes noires, guitare électrique accrochée à l’épaule, le ramasse et lui dit en l’emportant:
«Ah! Que, coucou, tes squats ne sont pas bons. Que je vais t’arranger ça: je t’emmène avec moi jusqu’en Suisse. Et que tu me chanteras les heures dans mon chalet de Gstad!»

Antoine Mack

Le pasteur Johann-Jakob Rutz, dit Rudolfi (1800 - 1851), a publié ce conte des deux fauvettes dans Perce-neige, une ronde de contes pour les enfants. Je ne l’ai pas traduit, mais simplement mis à mon goût du jour.

Quant à la pendule où vivra désormais le coucou, en Suisse, je l'ai empruntée au site de l’entreprise de joaillerie et d’horlogerie de Béatrice et Christian Pesenti, établie en 1933 à Saint-Claude, dans le Haut Jura, par leur grand-père. Si vous rêvez d’une pendule à coucou ou d’une horloge comtoise...

Les deux fauvettes (3)

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