Mon jardin n’a besoin...
Iris germanica
Revenons à Stefan George (1868-1933), important poète lyrique de l’école néo-romantique allemande, dont nous avons déjà lu Voyez les oiseaux début décembre 2009.
Grand voyageur à travers l’Europe, Stefan George a rencontré Verlaine, Mallarmé, Rodin, entre autres, lors d’un séjour d’études à Paris. De 1900 jusqu’à sa mort, il a mené sa vie selon des règles de conduite très sévères, s’appuyant sur l’amitié d’hommes d’une élite européenne dont il partageait les idées. Loin de celles des nouveaux maîtres de l’Allemagne, son pays qu’il a fui au début des années 30 pour s’installer en Suisse, près de Locarno.
Quel est ce sombre jardin dont il parle ici?
Antoine Mack
Mon jardin n’a besoin ni d’air ni de chaleur
Mon jardin n’a besoin ni d’air ni de chaleur,
Le jardin que je me suis construit.
Les essaims sans vie de ses oiseaux
Jamais encore n'ont vu de printemps.
De charbon sont les troncs, de charbon les branches.
Champ sombre au bord de la sombre colline.
Les fardeaux des fruits jamais cueillis
Brillent comme la lave dans le bosquet des pins.
Echappée d’une grotte cachée, une lueur grise
Ne dit pas quand le matin, quand le soir approchent
Et les vapeurs poussiéreuses de l’huile d’amande
Planent sur les planches, les herbes et les semis.
Mais comment te porter témoignage dans ton sanctuaire
(Voilà ce que je me demandais, y marchant, mesurant, méditant
Et oubliant tout dans le téméraire tissu du tourment)
Sombre, grande et noire fleur?