Les dents du dragon

La disparition d’Europe a rendu son père Agénor fou de douleur. Il charge son fils Cadmus de retrouver sa fille, lui interdisant de revenir à Sidon tant que cette recherche n’aura pas connu le succès.

Longtemps Cadmus ira cherchant sa sœur, de pays en pays, sans réussite. Il finit par abandonner sa quête, découragé, et se résigne à ne jamais revoir sa famille. Ne sachant où aller s’installer, il va consulter l’oracle d’Apollon. Celui-ci lui dit de suivre une génisse qui lui apparaîtra dans les champs déserts et de construire une ville, là où s’arrêtera l’animal.

La génisse bientôt vient à la rencontre de l’exilé. Il la suit avec ses hommes. Lorsqu’elle fait halte après avoir traversé le fleuve Céphise, il rend grâces à Apollon et s’apprête à faire des libations à Jupiter. A cette fin, il ordonne à ses compagnons d’aller chercher l’eau d’une source vive qui s’écoule hors d’une forêt toute proche.

Les hommes pénètrent sous les arbres en suivant le ruisseau. Mais la forêt se trouve être le refuge d’un dragon dont la vue les terrorise. Il est énorme, aussi grand que le Dragon qui étend ses anneaux entre les deux Ourses, dans le ciel nocturne. Le monstre attaque soudain les amis de Cadmus, les déchire avec sa triple rangée de dents, les étouffe dans ses anneaux, les asphyxie avec les poisons qu’il exhale.

Lorsque Cadmus, inquiété par leur longue absence, arrive dans la forêt, il est trop tard. Ils sont morts. Furieux, avec l’énergie du désespoir, il se rue sur le monstre, lui livre un combat héroïque et finit par le vaincre en lui enfonçant sa lance dans le cerveau, en lui clouant la tête contre un arbre.

Pallas apparaît alors et ordonne à Cadmus de recueillir les dents de ce dragon et de les semer dans un sillon, là où la génisse s’est couchée. Cadmus obéit, creuse le sillon et sème les dents.

Prodige incroyable ! Il voit bientôt les mottes de terre se soulever. A la place de chaque dent du dragon surgit de la terre un homme en armes. Et ces hommes, que Cadmus prend pour des ennemis, lui disent de se tenir à l’écart, alors qu’ils se mettent à se combattre entre eux et à s’entretuer. Par dizaines, ils tombent, dans une bataille farouche, souillant de leur sang le site prévu pour la ville future. Quand la fureur qui enflamme cette nouvelle race de guerriers se calme et retombe enfin, il ne reste que cinq survivants qui décident de faire la paix et de se soumettre à Cadmus.

Avec eux, le fils d’Agénor construit la ville de Thèbes, en Béotie, à l’endroit précis où s’arrêta la génisse.

 

Monnaie de Thèbes. A gauche, le bouclier thébain.

Jupiter donnera la déesse Harmonie comme épouse à Cadmus. De leur union naîtront quatre filles et un garçon. Thèbes deviendra une ville florissante.

Mais sur la famille de Cadmus, bien des malheurs viendront s’abattre plus tard, à commencer par la mort atroce d’Actéon, son petit-fils, déchiqueté par la meute de ses chiens, selon le vouloir de Diane, la déesse vierge et chasseresse.

Pour juger de ce que sera la vie des hommes, nous dit Ovide (qui savait entretenir le suspense), il faut les attendre à leur dernier jour. Nul d’entre eux, avant sa mort, ne peut se dire heureux...

Antoine Mack

Comments

[claire]

Dites donc vous deux !
Je ne passe pas trop par là (ni par ailleurs) ces temps-ci, bien occupée...et voici que je vous retrouve sombres manants ne croyant pas (plus ?) au bonheur des humains !
Mais si mais si !
On peut le dire avant la mort ! Et pendant ! Et après !
Je prétends oui, je prétends, et j'le prouve !

Amis de moi, qu'appelons-nous "bonheur" ?...

[Chagris]

... non plus (parole d'Actéon)

(explication : je tape souvent le titre dans l'emplacement Site Web). D'où le premier message assez elliptique)

[Chagris]

... non plus (parole d'Actéon).

[claire]

Où l'on voit qu'Ovide n'est pas seul à savoir entretenir le suspens...

La suite !
La suite !
La suite !