George Stubbs - Phaéton

D’or sont forgés le timon, les essieux et les cerclages des roues du char du Soleil. D’argent, tous les rayons. Tandis que Phaéton admire cette œuvre de Vulcain, Aurore ouvre déjà les portes de l’Orient et de ses cours plantées de roses. Titan commande alors aux Heures d’atteler les chevaux...

Phébus Apollon couvre de sa propre couronne de rayons la chevelure de son fils et lui donne ses derniers conseils, l’enjoignant de tenir solidement les rênes, de ne point monter trop haut de peur d’enflammer la voûte céleste, de ne pas descendre trop bas, par crainte de brûler les terres. Pour le reste, dit-il, il confie son fils à la Fortune. Qu’elle l’aide et veille sur lui. A moins qu’il ne se décide encore à changer d’avis, à renoncer à sa folle entreprise...

Mais Phaéton s’installe sur le char et saisit les rênes. Les rapides étalons du Soleil, Pyroïs, Eous, Ethon et Phlégon, emplissent les airs de leurs hennissements, se cabrent et tapent des sabots dans les barrières du monde. Ils prennent leur élan, déchirent les nues au passage, s’élancent dans leur course quotidienne.

Cependant le char est aujourd’hui trop léger. Les quatre bêtes se pressent, plus nerveuses encore que de coutume, et déjà Phaéton prend peur. Même s’il savait où aller, même s’il pouvait les tenir, ces coursiers célestes dont il n’a pas retenu les noms, il ne maîtriserait pas leur fougue. A présent, il préférerait ne pas avoir touché à l’attelage de son père!

Menacé par les monstres, Lion, Taureau, Serpent et autres, que Jupiter plaça dans les cieux, effrayé soudain par les pattes du Scorpion et par son dard recourbé, il s’affole et lâche les rênes. Alors les chevaux se précipitent au hasard, tantôt vers l’éther qui s’embrase, tantôt vers la terre qui devient, elle aussi, la proie des flammes. Les pâturages, les forêts et les moissons brûlent. Des incendies meurtriers ravagent de grandes cités, mettant à bas leurs murailles. Des montagnes se consument, les fleuves remontent se cacher à leur source. Même les divinités des mers et des grottes profondes, des cavernes et des gouffres sont incommodées. A la surface de la terre, les oiseaux et les autres animaux succombent.

Phaéton, de là-haut, ne voit plus dans l’Univers entier que des feux furieux dont il ne supporte pas la violence. Incapable d’agir, il se laisse emporter par les chevaux ailés.

Et la Terre souffre toujours plus des errements du fol attelage. Etouffée par les fumées, écorchée par les feux ardents, elle s’en va supplier Jupiter de mettre fin à ses souffrances, de la foudroyer tout de suite, puisqu’elle va, de toute manière, périr par les forces du feu.

Alors le dieu des dieux prend à témoins les autres immortels, et celui-là même qui a cédé son char. S’il ne lui porte pas secours, dit-il, le monde entier va périr. Il gagne sans plus attendre le sommet de l’Olympe, d’où il déploie d’habitude les nuages, d’où il fait gronder le tonnerre, d’où il brandit et lance la foudre à trois pointes. Mais il n’y trouve ni nuages à répandre sur les terres, ni pluies à faire tomber du ciel...

Antoine Mack

(à suivre)

La course de Phaéton

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