Mathématicien, physicien, philosophe, l'Allemand Georg Christoph Lichtenberg (1742 - 1799) était de ces hommes du XVIIIe siècle qui brillaient dans bien des domaines sans que l’on puisse parler d’eux comme de «touche à tout». Ce serait les injurier. Ils exerçaient avec sérieux leurs activités diverses.

Mais avec Lichtenberg le mot sérieux doit être utilisé avec prudence. Pendant des années, il a griffonné sur des cahiers de brouillon (Sudelbücher) des notes satiriques en grand nombre. Publiées après sa mort sous le nom d’Aphorismes, plus de 8000 de ces remarques sont offertes à notre appréciation, pleines de verve et d’humour.

En voici quelques-unes, dans la traduction de Charles Le Blanc parue aux éditions José Corti sous le titre Les miroirs de l'âme. On lira aussi avec intérêt l'excellent ouvrage de Pierre Senges, Fragments de Lichtenberg (Verticales, 2008).

A propos de L’art d’aimer d’Ovide, le poète romain des Métamorphoses:
Il eut l’effet qu’ont communément les bons livres: il rendit les sots plus sots, les gens intelligents plus sagaces et les milliers d’autres semblables à eux-mêmes.

A propos de Gœthe, qui aurait souhaité que Lichtenberg le soutienne pour sa théorie des couleurs:
Il n’avait d’appétit pour rien et pourtant il mangeait de tout.

A propos de la science et des scientifiques:
Pour fêter une seule invention, Pythagore pouvait faire aux dieux le sacrifice d’une centaine de bœufs. Kepler, pour tout ce qu’il a découvert, aurait été fort aise d’en posséder deux.

A propos d’une dame qui souhaitait être admise dans une société savante:
Fière, la poitrine haute et la tête à demi tournée, elle avançait comme la Vanité quand elle regarde si sa traîne la suit.

A propos de l’homme, en général:
Comme l’homme vivrait heureux s’il s’occupait aussi peu des affaires des autres que des siennes.
On ne peut vraiment pas savoir si, à cette heure, on n’est pas assis dans un asile de fous.
Lorsqu’il se servait de sa raison, on eût dit un droitier contraint d’utiliser la main gauche.
Il y a des gens qui croient raisonnable ce qui se fait avec un air sérieux.

A propos de lecture:
Si un livre et une tête se heurtent et que cela sonne creux, le son provient-il toujours du livre?

Il était un peu poète aussi et nous conclurons sur ce petit bijou:
La chambre était entièrement vide, hormis un petit rayon de soleil qui gisait au milieu.

Antoine Mack

L’humour de Lichtenberg

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