Chers disparus
Voilà! On part pour dresser une petite liste de tous ceux que l’on ne voit plus. Et l’on s’aperçoit qu’ils ne sont plus là, tout simplement parce que le monde a changé.
Vous souvenez-vous, Madame Germaine, des heures passées avec vos voisines dans le lavoir au bord du ruisseau à savonner, brosser, rincer le linge? Lavandières, oui, mais si loin d’amours portugaises tant espérées.
Plus connu, parce que plus romantique, que le détecteur de fuites de gaz (nez collé au bout de son long tuyau, dans les rues des villes), était l’allumeur de réverbères, charmant oiseau semi-nocturne sur son échelle. As-tu appris, chère lectrice, cher lecteur, que la ville de Mulhouse n’a plus un seul de ses beaux réverbères du XIXesiècle? François Spœrry, l’architecte, les a tous achetés pour les replanter à Port-Grimaud, alimentés en courant électrique... Si vous passez par là, ayez une pensée pour nous, dans nos soirées obscures. Merci.
Comme les précédents, sont partis aussi, les uns après les autres, nombre de travailleuses, travailleurs qui jamais ne furent remplacés. Les distributeurs de pains de glace et les laitiers ambulants (Drôle de drame, quand on y pense...), les livreurs de sacs de charbon, les colporteurs de pièges à rats, de cuillers de bois, avec les rétameurs ambulants et les aiguiseurs de ciseaux et de couteaux ou encore les ramasseurs de vieux chiffons...
Si vous regardez un peu plus loin, vous verrez que dans le monde entier manquent à l’appel d’autres dizaines de beaux métiers morts. Chasseurs de taupes pour sauvegarder des pelouses so british, flotteurs de bois canadiens, batteurs de céréales jouant du fléau sur la terre battue – oh! combien! – des granges, minotiers et charrons, tourneurs de cordes qui installaient leurs rails sur les trottoirs rectilignes de la Reeperbahn à Hambourg, devenue depuis... lieu de débauche.
Envolés aussi, de l’environnement de nos voyages, les porteurs de bagages, les cireurs de chaussures, les cochers de fiacre portant haut-de-forme, les crieurs de journaux (sur patins à roulettes parfois, rarement sur nuages comme un certain bonne-voglie que nous saluons au passage), les receveurs de bus et les receveuses de tramway, les agents de la circulation, les garçons d’ascenseur et tous ces métiers que le siècle passé a baptisés de noms grecs: téléphonistes, télé graphistes, typographes...
Mais laissons cela et regardez autour de vous. En voici qui reviennent! Des artistes de rue et, sur leur pas, timidement, celui qui tourne la manivelle de l’orgue de Barbarie. Ils danseront à nouveau, dans les rues de l’été.
Antoine Mack