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Airs de flûte
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10 novembre 2010

Etrangers au château – 7. La poule


hen

 

Jonathan l’Irlandais et Rüdiger, son ami luxembourgeois, ont vendu leur roulette. Ils continuent cependant  d’occuper leur ancien casino clandestin, le bureau du premier étage. Comme ils tirent le diable par la queue depuis la fin de leur peu lucrative activité ludique, il leur arrive d’y faire, sur un petit réchaud à propane, une popote plutôt infâme.

Assez longtemps, ils se sont contentés d’acheter et de chauffer des pâtes et des boîtes de tomates. Mais un jour, l’occasion faisant le larron comme on sait, il leur passe par la tête qu’ils pourraient améliorer l’ordinaire aisément. Ils viennent en effet de découvrir que, derrière le parc du château de Pourtalès, un paysan de la Robertsau élève des volailles. 

Chaparder une poule, en sautant par-dessus la clôture, ne leur posera pas de problème. On est encore souple à vingt ans. Mais transformer ensuite ce volatile vivant en plat comestible, pauvrement équipés comme ils sont, voilà qui n’ira pas sans quelques difficultés. La bête est assez proprement tuée, très médiocrement plumée...

... et les deux complices, vite découragés, se résignent à enterrer leur proie à l’autre bout du parc, leur ventre criant toujours famine. L’affaire pourrait s’arrêter là...


Ce serait sans compter avec le caractère vindicatif et procédurier du paysan alsacien. Celui de la Robertsau fait venir les gendarmes. Il leur montre les fils de fer tordus de son grillage, juste en face de l’entrée arrière de Pourtalès. Il les oriente vers tous ces trublions qui vivent dans les baraquements des Américains en faisant du boucan tous les soirs avec leur fichu rock’n’roll. Un charivari quotidien qui vous perturbe le réveil du coq en même temps que la ponte des poulettes! S’il faut chercher quelque part des voleurs de poules, où iraient-ils ailleurs, hein? ces messieurs les gendarmes? Je vous le demande!

Il se montre si convaincant que le lendemain les pandores font une descente chez nous. Un tour rapide dans les dépendances du château et ils découvrent, dans le casino, les plumes rousses de la poule... les deux gastronomes n’ayant pas encore fait leur ménage.

A Rüdiger et à Jonathan ils n’ont pas passé les menottes quand nous les voyons se diriger vers leur camionnette bleue, Fousseynou et moi, assis sur les marches de la terrasse.

Alors qu’ils sont encore à portée de voix, Fouss commence à gratter les cordes de sa guitare et se met à chanter bien haut, malgré mes coups de pied dans ses chevilles, les mégères gendarmicides du marché de Brive-la-Gaillarde, déjà rendues célèbres alors par le bon Georges Brassens.

Les gendarmes, magnanimes, ne relèvent pas l’insulte et disparaissent avec nos deux lascars. Ceux-là reviendront le soir, à pied, tout heureux de s’en tirer à bon compte. Bien sûr, ils n’avaient pas d’argent pour payer la poule. Mais le paysan a accepté de ne pas porter plainte en échange de deux heures de travail par jour, pendant une semaine, au potager. Il leur a même promis qu’il les paierait en légumes frais, plus faciles à cuisiner que la volaille! Sont comme ça, les Alsaciens... une fois qu’on leur a rendu justice.

Fousseynou a ressorti sa guitare.

Sur le ventre ils se tapaient fort, les copains d’abord. Toujours Brassens.

Chacun ses arrangements avec le monde agricole... et la maréchaussée!

 

(A suivre)

Antoine Mack

 

 

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Commentaires
O
La chansonnette à Mayol, chère clandestine, c'était pas trop le style de Pourtalès... et qui sait, la nuit, si ça n'aurait pas perturbé le coq encore plus? Ça pouvait devenir du flagrant délit!
C
Z'auraient dû l'attirer en lui chantant cette vieille chanson : http://chanson.udenap.org/fiches_bio/mayol/repertoire/mayol_rep_viens_poupoule.htm Elle aurait, charmée, déployé ses ailes pour les rejoindre et se serait laissée plumer sans difficulté. Plus de grillage fracassé, plus de preuves pour la maréchaussée…
O
Les épisodes défilent et ne se ressemblent pas forcément. De l'émotion, bientôt, chère Frédérique, avec le retour de Rocky, le héros... Frissons garantis!
F
Je rève, c'est trop beau pour etre vrai, c't'histoire! Pourvu qu'ça dure!...
O
J'avais bien dit que mes étrangers n'étaient pas toujours "recommandables", mais ça ne les empêchait pas d'être sympas!<br /> <br /> Les qualités d'horticulteurs de Jonathan et Rüdiger ne devaient effectivement pas être transcendantes, mais bon... Quant aux pandores, j'ai l'impression qu'ils ont toujours été plus magnanimes que les poulets!
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