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Airs de flûte
Airs de flûte
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6 juin 2010

Grotesques

Les mouettes ont toutes l'air de s’appeler Emma.

mouette

Ces mots ne sont pas de moi, vous vous en doutiez déjà. Je n’ai pas assez d’imagination pour ça...

L’auteur de cette judicieuse constatation a fait de sérieuses études d’économie sociale et de droit, puis de philosophie et d’histoire de l’art. Plus tard, une profonde crise personnelle l’a amené à se tourner vers Nietzsche, Kierkegaard et Maître Eckart. Son œuvre lyrique devint alors très sérieuse, au point que l’on a pu parler, à son propos, de philosophie en vers!

Né en 1871 à Munich, mort en 1914 à Merano, Christian Morgenstern a vécu dans sa jeunesse une période mondaine qui l’a fait connaître sous un tout autre jour, avec les poèmes grotesques des Chansons du gibet.

Voici quelques-uns de ces chants, dédiés plus particulièrement par le traducteur à un qui explora un temps les hauts de la lune.

Antoine Mack

OOOOO

La souris de minuit

Quand il est minuit, ni étoile,
Ni lune n’habitent la maison du ciel.
Douze fois elle court alors à travers cette maison,
La souris de minuit.

Elle siffle entre ses petites dents
Alors que, dans le rêve, hennit fort le cheval d’enfer...
Mais elle court et va faire son devoir,
La souris de minuit.

Son maître, le grand esprit blanc,
Est parti en voyage cette nuit.
Salut à lui! Elle garde sa maison,
La souris de minuit.

OOOOO

Ciel et Terre

Le chien du vent de la nuit pleure comme un enfant
Pendant  que la pluie s’écoule de sa fourrure.

Le voilà qui pourchasse sauvagement la femme de la nouvelle lune
Qui s’enfuit, le corps plié en deux.

Bien plus bas, sombre point, marche
A travers champs un garde-forestier adjoint.

OOOOO

Le soupir

Un soupir patinait, la nuit, sur la glace
Et rêvait d’amour et de joie.
C’était près des remparts de la ville,
Des remparts qui brillaient comme la neige.

Le soupir pensait à une fille jeunette
Et s’arrêta soudain, tout échauffé.
Alors la glace se mit à fondre sous lui.
Le soupir s’enfonça..., ne fut jamais revu.

OOOOO

La chanson des mouettes

Les mouettes ont toutes un air
De s’appeler Emma.
Elles portent une frise blanche
Et doivent être tirées avec des plombs.

Je ne tirerai pas sur la mouette,
Je préfère la laisser vivre,
L’alimenter avec du pain de seigle
Et de rougeoyantes zibèbes**.

Oh, être humain! Jamais tu n’arriveras
A voler comme la mouette.
Mais si tu t’appelles Emma,
Tu peux te réjouir de lui ressembler.

OOOOO

Entonnoirs

Deux entonnoirs s’en vont dans la longue nuit.
A travers le puits étroit de leur corps
La blanche lueur de la lune coule
Silencieuse et très gaie
Sur leur chemin
Dans la forêt
Et
ce
te
ra

OOOOO

A propos des zibèbes

** J'ai transformé les Zibeben de l'original en zibèbes parce que c'était tentant et amusant de créer ce mot en français. Sa réalité propre est de nous parvenir de l'arabe zibiba (en sicilien, zibibba) et de désigner des grains de raisin séchés sur la vigne. Vendanges tardives... Grains nobles!

En Allemagne du Sud et en Autriche, les Zibeben sont des grains de raisin séché qui entrent dans la composition de certaines préparations culinaires. Morgenstern était Bavarois et c'est avec ces grains-là qu'il entendait nourrir ses mouettes.

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Commentaires
O
J'ai vraiment un petit faible pour les mouettes...
B
Mention spéciale pour Le Soupir.... On en fond d'aise !
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