Plaisir interdit
Quand j’avais sept ans, nos petits plaisirs étaient simples.
A l’heure de la traite, le soir, nous allions à l’autre bout du village pour chercher le lait. Directement de la vache au consommateur, aurait-on pu dire. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtions un instant, soulevions le couvercle du bidon, en prenant bien garde de ne rien renverser, et nous trempions un doigt dans la mousse blanche et onctueuse. C’était bon !
Au temps des cerises, les plus grands grimpaient aux arbres; les petits attendaient que les aînés leur jettent les belles drupes rouges. On était impatient de grandir pour pouvoir monter soi-même. Un jour, on s’y risquait. Là-haut, pour ceux qui se tenaient assis sur les branches, comme les oiseaux, les fruits avaient bien meilleur goût.
Les dimanches d’été, un marchand ambulant passait. A force de tanner nos parents, nous finissions par obtenir quelques sous. De quoi nous offrir une glace deux boules, vanille-framboise.
Aujourd’hui que j’ai dix fois cet âge, je fais de longues promenades au bord du Rhin. Sur le chemin de terre qui serpente entre le fleuve et le grand canal, je vois des pierres qui traînent. Jamais je n’ai su résister à la tentation... Autre très vieux plaisir, mais interdit celui-là...
Avec mes chaussures de marche, je shoote dans tous ces cailloux!
Antoine Mack