Pauvre Méduse !
Méduse. En voilà une qui ne jouit guère de la sympathie des hommes. Des serpents en guise de cheveux, des yeux dont le regard vous transforme en caillou. Une femme dont la rencontre est synonyme de mort... Pourtant, vous serez bien obligés de constater que c’est à la cruauté des dieux qu’elle doit un destin aussi funeste. Des trois Gorgones, elle est la seule mortelle. Des trois, la seule à être séduite par un dieu et punie par une déesse prude. La seule assassinée enfin, assez lâchement d’ailleurs, par un héros. Triste histoire.
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A la fin du festin que Céphée a ordonné pour les noces de Persée et de sa fille Andromède, le héros raconte ses aventures. Lycindès lui demande par quels prodiges il a pu trancher la tête hérissée de serpents de Méduse, l’une des trois Gorgones. Voici le récit de Persée, tel que l’a transmis Ovide.
"Sur les flancs froids de l’Atlas, il est un lieu où les sentes étroites sont encombrées de rochers. Je m’avance là quand je fais la rencontre de deux sœurs, filles de Phorcus comme Méduse, mais qui ne font pas partie du groupe des Gorgones. A elles, nées déjà vieilles, les Destins n’ont en outre accordé qu’un œil unique pour deux. Cet œil, elles se le passent tour à tour pour assurer le guet. Tandis que l’une le remet à l’autre, je me faufile entre elles et le subtilise au moment même où elles sont toutes deux aveugles, m’ouvrant ainsi le chemin vers le palais des Gorgones.
"En montant par la route abrupte, je vois de tous côtés des hommes devenus statues, des bêtes transformées en pierres, qui tous ont planté leur regard dans les yeux de Méduse. Je saurai, m’instruisant de leur malheur, éviter le piège du regard pétrifiant. Jamais je ne regarderai la Gorgone en face, n’épiant son affreux visage que sur le bronze arrondi et brillant de mon bouclier.
"Lorsque j’arrive auprès d’elle, le sommeil a versé le pavot et ses poisons sur le monstre et sur ses serpents. D’un coup d’épée rapide, je lui coupe la tête. Du sang qui s’échappe de son cou, je vois naître Pégase, le cheval ailé, et son frère Chrysoar".
The death of Medusa - Sir Edward Burne-Jones (1882)
L’un des convives du festin demande alors à Persée d’où vient que, seule des trois sœurs, Méduse portait sur la tête une chevelure de serpents.
"Apprenez, dit Persée, que Méduse brillait jadis de tout l’éclat d’une extraordinaire beauté. Elle fut l’objet des vœux énamourés de multiples soupirants. J’ai connu des personnes qui l’ont vue alors et qui rendent ce témoignage.
Mais il se raconte que Poséidon, dieu des mers, s’éprit des charmes de la belle Gorgone et que, l'entraînant avec lui dans le temple de Pallas-Athena, il profana avec elle ce lieu sacré. La déesse vierge en fut scandalisée, détournant ses yeux modestes et les cachant sous son égide.
"Pour venger ses autels souillés, elle changea en serpents les cheveux de Méduse. Aujourd’hui encore, pour inspirer la crainte, la fille de Jupiter porte sur l’égide qui couvre son sein, fixées par les Cyclopes de l’Etna, la tête de la Gorgone et sa couronne de serpents".
Antoine Mack