Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Airs de flûte
Airs de flûte
Archives
18 février 2009

Elles ne sortent qu'à la brune...

chauve_souris_tim_flach


Bacchus, un jour, avait décidé que l’on ferait la fête en son honneur. Que tout le monde ferait la fête. Les fêtards, dans l’Antiquité, étaient une espèce assez répandue...

Mais il se trouva que Leuconoé, Arsinoé et Alcithoé, les trois filles de Minyas, roi d’Orchomène, une ville de Béotie, résolurent de ne pas participer à ces orgies qu’elles jugeaient déplacées. Méprisant le dieu et ses commandements, elles s’installèrent et décidèrent de s’adonner à des travaux d’aiguilles et de navettes, en se racontant des histoires comme celle des amours de Mars et de Vénus.

OOOOO

Déjà le jour a bientôt écoulé son temps et le soleil incline sa course vers la mer. Les filles de Minyas sont encore assises sagement, filant et tissant le lin. Soudain retentissent des tambourins invisibles, résonnent des airs de flûtes recourbées, tintent des instruments de bronze, alors que se répandent des odeurs de myrrhe et de safran.

Des toiles qu’elles ont tissées se couvrent de feuilles de lierre. Des tissus suspendus aux métiers deviennent des vignes; leurs fils se transforment en sarments; leurs raisins prennent une sombre couleur.

Les trois sœurs se retirent à l’écart et vont se cacher sous le toit enfumé, courant par ci, par là, cherchant à éviter des flambeaux huileux qui s’embrasent, des feux ardents qui se mettent à briller. Des hurlements de bêtes sauvages les terrorisent encore plus. Elles se font petites, petites, dans l’obscurité.

Sur leurs bras étrécis, une membrane s’étend, qui enferme leurs membres dans des ailes légères. Sans que des plumes leur poussent, elles se mettent à voleter, portées par ces ailes translucides qui collent à leur corps. Lorsqu’elles tentent de se parler, elles émettent un son grinçant et si faible qu’elles ne se comprennent plus. Elles se cognent l’une à l’autre, se heurtent aux poutres auxquelles elles finissent par s’accrocher, la tête en bas, cachée sous les replis des membranes. Elles tremblent, victimes de la punition que leur inflige Bacchus.

OOOOO

Aujourd’hui encore, elles fréquentent  les greniers et, haïssant la lumière, elles ne sortent qu’à la brune, quand se lève Vesper, l’étoile du soir. C’est pourquoi on les appelle les vespérides, les filles de Minyas devenues chauves-souris.

Antoine Mack


L'illustration est une œuvre de Tim Flach, photographe anglais que vous pouvez retrouver grâce aux  liens d'amis.


Publicité
Commentaires
B
Moralité: il ne faut jamais bouder une fête. Et boire, et faire les folles, et danser. Sinon on finit par rester cloîtrées au grenier... <br /> Pour ma part, jusqu'à présent, c'est une règle que j'ai toujours appliquée et sans me forcer. Alors je suis tranquille, je ne risque pas de perdre mes cheveux de sitôt !
O
Ravi qu'elles te plaisent, les Vespérides, chère Claire.<br /> <br /> Mais il faut surtout aller voir le portfolio de Tim Flach (lien dans la colonne de droite). Il les met sens dessus dessous avec un humour génial... surtout quand elles se marchent sur les pieds!
C
ô quelle belle histoire !<br /> Voici de quoi broder un peu à ma fillette le soir en l'endormant. Et amplifier son goût pour la fête.<br /> Je ne savais rien de tout cela, moi je les aime bien les chauves souris, enfin, poétiquement parlant!<br /> Elles auront désormais grâce à ton joli billet un air résolument vieilles filles, plutôt attendrissant, et quasi rassurant. Tu crois qu'elles ont une détective, les vieilles filles, genre miss Marple à tricot ?<br /> Bonsoir des deux souris, ni vieilles, ni chauves !<br /> Claire
Airs de flûte
Publicité
Newsletter
Publicité